Au bord de la pénurie
Le potentiel de production de la planète diminue, la population humaine augmente. Il semble donc raisonnable de sortir de la logique de croissance.
Plus de 90% de notre énergie provient du pétrole, du gaz et du charbon. On estime que les réserves de ces trois combustibles fossiles seront respectivement vides dans environ 40, 60 et 120 ans. Quant au nucléaire, nous ne disposons plus que de 50 années d’uranium. De nombreuses autres ressources sont menacées. Ainsi, l’utilisation déraisonnée de l’eau douce (par l’agriculture intensive et l’industrie) conduirait, d’après les rapports des Nations Unies, à l’assèchement de vastes régions (la surface du Lac du Tchad est passée de 23000 kms carrés à 900kms carrés en 38 ans; 969 des 1052 lacs de la province chinoise du Hebei ont disparu) ; et d’ici à 2050, le nombre de personnes souffrant d’un manque d’eau passera vraisemblablement de 400 millions à 4 milliards. Bref, la croissance économique vide littéralement la nature de toutes ses ressources; et le fait que le taux d'extinction des espèces soit environ mille fois supérieur à ce qu'il était avant les débuts de l'ère industrielle n'est pas, contrairement à ce que certains écolo-sceptiques voudraient nous faire croire, une simple coïncidence.
Dans 40 ans, il n'y aura plus une goutte de pétrole. Plutôt inquiétant lorsqu'on fait le simple constat que tous les objets qui nous entourent ont été transportés par du pétrole voire même fabriqués avec du pétrole. Le géophysicien K. Hubbert a démontré que la courbe de production du pétrole passerait par un pic au-delà duquel elle déclinerait. De nombreux scientifiques estiment que nous sommes actuellement au voisinage de ce pic. En clair, la production de pétrole va commencer à diminuer, et si nous continuons à accroitre nos besoins en « or noir », les crises socio-économiques et les guerres vont se multiplier. Si nous ne sortons pas au plus vite de la spirale infernale de "la croissance pétrole-dépendante", l'avenir sera tragique. D'ailleurs, le prix du baril de pétrole a été multiplié par 13 entre 1998 et 2008, et dans la même période, les USA sont allés faire la guerre en Irak, pays détenteur des deuxièmes plus grosses réserves pétrolières du monde.
Produire le nécessaire et se débarrasser du marketing de la croissance
En outre, ce n’est pas parce qu’un système est basé sur la décroissance qu’il est générateur de pauvreté. Nous avons de quoi nourrir 12 milliards de personnes, soit 2 humanités. On peut donc produire moins de richesses matérielles; tout ce qui compte, c’est de les répartir plus équitablement (en suivant d’autres schémas que celui du libéralisme).
Le marketing et la publicité sont au cœur des sociétés modernes. Il me semble qu'ils visent surtout à manipuler les individus, à faire naître en eux des désirs nouveaux. L’objectif du marketing n’est pas de rendre le consommateur heureux, c’est de le rendre dépendant. Le marketing est le moteur hyper énergivore de la croissance ; en somme, c’est lui qui a créé le monde dans lequel nous vivons (ou au moins une très grande partie), c’est lui qui a créé nos dépendances aux emballages plastiques, aux voitures, aux téléphones portables, aux 14 repas de viandes par semaine, aux ordinateurs, aux écrans ultraplats, aux prospectus publicitaires, aux tamagochis, au pétrole…
La Décroissance, c’est de l’anti-marketing. Elle vise à nous libérer des désirs futiles qui nous empoisonnent l’existence et nous invite à nous recentrer sur les richesses réellement essentielles à nos vies. Diogène disait: « L’homme riche est celui qui se suffit à lui-même », et si en nous libérant de nos dépendances aux objets, la Décroissance nous enrichissait ?
Mon point de vue est peut-être naïf, je peux me tromper: en effet, composé d'un nombre incommensurable d'interactions, le monde est si complexe qu'il est difficile d'avoir des certitudes sur sa façon de fonctionner. Bien évidemment, je reste à l'écoute des idées toujours enrichissantes des lecteurs (eux-mêmes très complexes puisque chacun d'eux est composé, à vue de nez, de 100 000 000 000 000 000 000 000 000 000 quarks en interactions: il y a de la place pour l'incertitude là-dedans).
(Texte: Matthieu)